Google condamné par la justice française pour clauses abusives sur son Play Store

Le mastodonte du numérique a été condamné le 30 mars dernier par le tribunal de commerce à 2 millions d'euros pour clauses abusives imposées aux distributeurs d'applications sur son Play Store.

Le mastodonte de la technologie vient d’être condamné par le tribunal de commerce de Paris à une amende civile de 2 millions d’euros pour clauses abusives imposées aux fournisseurs d’applications sur son Play Store. Retour sur cette décision qui met fin à une procédure engagée par Bruno Le Maire en 2018.

Le modèle des app stores essuie une nouveau revers judiciaire. Après plus de trois ans de procédure, le tribunal de commerce de Paris a condamné Google à une amende civile de 2 millions d’euros et à réviser dans un délai de trois mois plusieurs clauses inscrites dans les contrats de distribution conclus avec les développeurs d’application français, celles-ci ayant été qualifiées de déséquilibrées. C’est en 2018 que Bubu Le Maire, ministre de l’Économie, avait initié l’action en justice. A ce moment-là, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCRF) enquêtait sur les pratiques de Google et d’Apple vis-à-vis des développeurs dont ils distribuent les applications.

Selon Bercy, plusieurs clauses inclues dans le contrat d’adhésion pour l’utilisation du Play Store seraient abusives et ne laisseraient aucun champ aux développeurs d’application pour la négociation. La procédure parallèle visant Apple n’a elle toujours pas abouti.

Des commissions et tarifs abusifs sur le Play Store

En substance, plusieurs clauses ont été épinglées, en considération du poids significatif du Play Store sur le marché de la distribution d’applications mobiles en France (où deux tiers des smartphone fonctionnent sous Android).

Les poursuites se sont fondées sur l’ancien article L442-6 du Code de commerce (aujourd’hui article L 442-1, I), qui interdit de « soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ». Une règle confortable pour le ministère, dispensé de démontrer l’application effective de ces clauses ni les effets du déséquilibre provoqué.

Parmi les clauses épinglées, la commission de 30% prélevée par Google sur les achats intégrés au sein des applications des développeurs ainsi que la fourchette de tarifs imposée aux développeurs pour le prix des apps (entre 0,50 et 350 euros en France). Il ressort de l’enquête que la plateforme d’applications s’octroie le pouvoir de réviser unilatéralement à tout moment cette grille tarifaire.

Par ailleurs, la décision souligne qu’aucune justification chiffrée n’a été fournie sur le coût de la protection contre la fraude censé représenter la contrepartie des commissions, et ce alors que l’entité « ne supporte aucun risque financier lié au développement des applications ».

Modification unilatérale du contrat et autres asymétries

Autre clause dans le viseur de la justice, la faculté que le mastodonte du numérique s’accorde de modifier le contrat à tout moment, contraignant ainsi les développeurs à choisir entre accepter les révisions ou partir. La juridiction commerciale a également décelé une déséquilibre significatif dans les clauses asymétriques habilitant Google à résilier unilatéralement le contrat à tout moment.

Autre asymétrie perçue comme abusive, les clauses qui offrent à l’entreprise technologique la liberté de collecter les données des développeurs et de les communiquer gratuitement auprès des tiers, sans réciprocité.

Alors que les développeurs utilisent le Play Store à leurs propres risques, Google s’octroie une exemption totale de responsabilité.

2 millions d’euros d’amende et un modèle de plus en plus contesté 

Le tribunal de commerce a enjoint Google LLC, Google Ireland et Google Limited de  « cesser pour l’avenir toute pratique consistant à faire figurer les clauses litigieuses identifiées ». De surcroît, les trois entités juridiques ont été condamnées à payer solidairement une amende de 2 millions d’euros.

Pourtant, Google a avancé que les contrats incriminés remontaient à la période 2015-2016 et que depuis, les clauses litigieuses ont été modifiées au bénéfice des développeurs. Parmi ces changements, l’abaissement, l’été dernier, à 15 % du taux des commissions prélevées par le Play Store sur les transactions au sein des applications. Ces révisions prolifèrent ces dernières années de la part de Google comme d’Apple, ces derniers adaptant leur modèle à une contestation judiciaire ainsi qu’à un encadrement législatif dans plusieurs pays.

La Corée du Sud a récemment voté une loi obligeant les boutiques d’applications de laisser aux utilisateurs la possibilité d’effectuer leurs achats in-app par l’intermédiaire de systèmes de paiement alternatifs (et non par défaut celui de la plateforme), ce qui permettra aux développeurs d’applications d’échapper à la commission. Au niveau européen, l’offensive s’opère à travers le Digital Markets Act, règlement européen qui entend s’attaquer au pouvoir de marché des « gatekeepers ».

Si la procédure contre Apple suit toujours son cours en France, la firme de Cupertino a été condamnée récemment par la justice des Pays-Bas à une amende de 50 millions d’euros. Parmi les griefs reprochés, des clauses abusives similaires concernant les modalités de paiement sur sa plateforme d’applications.

 

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