La Commission européenne durcit ses accusations contre Apple dans la procédure antitrust initiée par Spotify

Le modèle de l'Apple Store continue d'être battu en brèche. Apple est dans le viseur de la Commission en raison de potentiels abus de position dominante envers les développeurs d'applications.

Le modèle des boutiques d’applications des géants du numérique continue d’être battu en brèche. Suite à une plainte déposée par Spotify en 2019, Apple est dans le viseur de la Commission européenne (qui comprend la DG COMP, la Direction générale de la concurrence au niveau de l’UE). Depuis, l’Autorité de concurrence européenne évalue les règles imposées sur l’App Store aux fournisseurs de musique en continu. L’enquête antitrust va passer un nouveau cap.

Une plainte déposée par Spotify contre la « taxe Apple »

L’inculpation de la marque à la pomme a été déclenchée par Spotify en 2019. Le géant suédois spécialisé dans la diffusion de musique en continu ciblait les pratique de l’App Store. Parmi elles, la commission de 30% que perçoit Apple sur les achats in-app de Spotify. L’entreprise de Daniel Ek reprochait à cette taxe de constituer un comportement anticoncurrentiel permettant à Apple de promouvoir ses propres applications de musique, notamment Apple Music au détriment de Spotify.

Au lendemain de l’ouverture de l’enquête en 2020 par la Commission européenne, d’autres géants du numérique comme Netflix, Rakuten ou Epic Games ont décidé de s’associer à la plainte de Spotify pour protester contre la « taxe Apple » sur l’Apple Store.

A l’instar de Google en Europe, Apple a décidé de lâcher du lest en abaissant le coût de sa commission de 30 à 15% pour les développeurs générant moins d’1 million de dollars par an. Néanmoins, ces concessions n’ont pas suffi à convaincre la Commission européenne de faire marche arrière.

La notification des griefs de la Commission européenne

Qu’est-ce qu’une notification des griefs ? 
On pourrait comparer le notification des griefs en droit de la concurrence à une mise en examen en droit pénal. Lorsque les services d’instruction au sein d’une autorité de concurrence estiment avoir suffisamment d’éléments pertinents pour soutenir que les pratiques en question sont anticoncurrentielles, ils adressent aux parties accusées une notification des griefs. Celle-ci est un acte d’accusation formelle : elle établit les faits, les qualifie par rapport aux infractions en droit européen et français de la concurrence et précise les griefs faits aux entreprises mises en cause. Ainsi s’ouvre la la phase contradictoire. Cela signifie que les entreprises ont accès aux pièces du dossier et disposent de quelques mois pour remettre leurs observations écrites, souvent rédigées par des avocats.

En avril 2021, la Commission européenne a adressé à la firme de Cupertino une notification des griefs. Plusieurs pratiques étaient visées.

  • Premièrement,  l’obligation faite aux développeurs d’applications de musique distribuées sur l’App Store de recourir au système de paiement d’Apple pour la vente de contenu musical. Cela implique une commission de 30% sur tous les abonnements vendus par le biais du système obligatoire d’achat in-app. Or, les prestataires de services de streaming répercutent cette commission sur les consommateurs finaux en augmentant les prix de leurs abonnements musicaux sur les appareils iOS.
  • Deuxièmement, la Commission a émis des inquiétudes sur les restrictions empêchant les développeurs d’applications d’informer les utilisateurs d’iPhone et d’iPad des autres possibilités d’achat moins onéreuses en dehors des applications (comme directement sur le site des fournisseurs de musique).

Pris dans leur ensemble, ces comportements ont été qualifiés par la Commission comme néfastes pour la concurrence sur le marché du streaming musical. En effet, Apple a abusé de sa position dominante dans le secteur la distribution d’applications de streaming musical via son App Store.

Il y a quelques semaines, la firme à la pomme a annoncé qu’elle allait autoriser certaines applications  comme Spotify ou Netflix à proposer un lien externe pour les abonnements et paiements sur iOS.

Le DMA, une arme pour mieux réguler les Gafam

Mais ces révisions ne sont pas suffisantes aux yeux de la Commission. Celle-ci compte durcir ses accusations à l’encontre de la firme de Cupertino et reconsidérer certains éléments du dossier pour le renforcer. Cette annonce fait écho à l’accord trouvé par les institutions européennes – Parlement européen et Commission – sur le Digital Markets Act (DMA). Il s’agit d’un texte visant à réguler plus strictement les géants du numérique sur le marché européen.

Ce DMA va élargir l’arsenal législatif de la Commission européenne pour encadrer les pratiques des Gafam. Les comportements abusifs de plateformes puissantes comme Facebook, Apple, Microsoft, Amazon ou Booking pourront faire l’objet de sanctions allant de 6 à 20% de leur chiffre d’affaires mondial. En cas de récidive, Bruxelles se réserve la possibilité d’adopter des mesures structurelles, comme des cessions d’activités ou la prohibition d’acquérir de nouvelles entreprises.

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