TF1 abandonne le rachat de M6 : les raisons d’une fusion avortée

Le 15 septembre 2022,  Bouygues (détenant TF1) et RTL Group (groupe contrôlant M6) ont renoncé à leur projet de fusion. Pour cause, des exigences trop élevées imposées par l’Autorité de la concurrence. Retour sur les raisons de ce mariage avorté.

Le groupe Bouygues avait notifié à l’Autorité de la concurrence le 17 février 2022 son projet d’acquisition de M6. Pour rappel, une opération de concentration entre deux entités cumulant un poids économique significatif ne peut être mise en œuvre tant que l’acquéreur n’a pas reçu le feu vert du gendarme de la concurrence.

L’opération de concentration aurait abouti à réunir au sein du même groupe sept chaînes de la TNT en clair : TF1, M6, MC, W9, Gulli, LCI et TF1 Séries Films.
Dans cette perspective, les chaînes TFX et 6ter avaient vocation à être cédées au groupe Altice afin que l’opération se conforme à la législation sur l’audiovisuel. En effet, une loi de 1986 interdit à un groupe de détenir plus de sept chaînes de télévision.

Après notification du projet de rachat par le groupe Bouygues, l’Autorité avait ouvert le 18 mars 2022 une phase d’examen d’approfondi et s’était montrée assez préoccupée. Une décision finale devait intervenir courant octobre 2022. Toutefois, vendredi 15 septembre 2022, Bouygues a abandonné le rachat de M6, estimant que le niveau de concessions exigées vidait la fusion de son intérêt économique.

 

Les risques concurrentiels identifiés sur le marché de la publicité télévisuelle

Selon l’Autorité de la concurrence, l’opération présentait d’importants risques concurrentiels sur les marchés de la publicité télévisuelle et de la distribution de services de télévision.

En effet, la fusion aurait fait naître une entité ultra-dominante avec 75% de parts de marché. Cette configuration aurait engendré une hausse des prix des espaces publicitaires vendus par les parties au détriment des annonceurs et des consommateurs.

Afin d’obtenir l’autorisation de la concentration, les deux entités avaient proposé de séparer les deux régies publicitaires durant une période transitoire de quelques années. Toutefois, cette proposition n’avait pas convaincu le collège de l’autorité administrative indépendante, dans la mesure où les deux régies auraient été contrôlées par Bouygues.

Une distinction entre la publicité télévisuelle et la publicité ciblée numérique

Les deux parties à la fusion avaient par ailleurs regretté que l’Autorité de la concurrence ne tienne pas compte dans son analyse de l’essor des plateformes de vidéos à la demande (VOD). Celles-ci génèrent désormais des recettes publicitaires, comme Netflix qui vient de lancer un abonnement à prix réduit avec de la publicité. Cela aurait diminué la part de marché de TF1 et M6 dans le cadre d’un marché plus vaste, étendu à celui de la publicité sur Internet.

Cependant, Benoît Coeuré, président de l’Autorité, a estimé que le développement de la publicité ciblée numérique sur des plateformes de VOD ne crée pas de pression concurrentielle suffisante « […] sur la télévision gratuite, qui continue à offrir un espace publicitaire d’une puissance inégalée, notamment du fait du nombre de téléspectateurs présents en même temps autour d’événements fédérateurs, séquencés et souvent en direct ». 

Des exigences vidant le projet de toute logique industrielle

Dès lors, la seule mesure permettant d’aboutir à une part de marché acceptable était la cession d’une ou plusieurs chaînes majeures des groupes, ce qui aurait abaissé la rentabilité de la nouvelle entité. Dans un communiqué, TF1 et M6 ont expliqué que « seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l’autorisation du rachat. Les parties ont donc conclu que le projet ne présentait plus aucune logique industrielle ».

Une dernière solution aurait été de solliciter le pouvoir d’évocation du ministère de l’Economie. Sur la base de cette attribution, Bercy peut adopter des décisions différentes en autorisant un rachat refusé par l’autorité administrative indépendante ou en abaissant le niveau d’exigences imposé. Toutefois, en retirant son offre de rachat avant toute décision définitive, TF1 s’est privé d’un tel scénario.

Récemment, RTL Group a de nouveau mis M6 en vente. Parmi les candidats au rachat, Vivendi (Canal +), Mediawan (Xavier Niel), Mediaset (Silvio Berlusconi) ou encore le groupe Altice dirigé par Patrick Drahi …

 

 

 

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